Une place dans notre histoire !

Nous sommes à la fin du mois de mars 1997. Alors responsable d’études dans

un bureau d’ingénierie en béton armé, j’ai pro- té d’un week-end pour aller faire

un peu de vélo avec mon père en Normandie. Je suis un peu fébrile. Il faut dire

que dans les jours qui ont précédé, j’ai passé deux entretiens pour obtenir un

poste dans le saint des saints : la rédaction de VTT Magazine. Moi, le dessinateur projeteur. Tu parles d’un virage à 180° ! En attendant de savoir si ce rêve deviendra réalité (je n’ose alors y croire), je lis et relis un magazine… de route (j’aime le vélo sous toutes ses formes). Sur la “ 4 de couv ”, une publicité me “ scotche ” littéralement : elle annonce l’arrivée de Cannondale dans le peloton pro, via l’équipe Saeco de la star du moment : Mario Cipollini.

Je viens de prendre l’Amérique en pleine tête, et le vélo de route, une claque mémorable !

Le CAAD3 Saeco arbore des tubes surdimensionnés recouverts d’un rouge

clinquant sur lequel tranche un marquage jaune et des roues Spinergy à lames

carbone…. Les Colnago de la Mapeï vieillissent de dix ans d’un coup !

Le souvenir de ces moments-là suscite en moi une réflexion : “ Si les Ricains

n’étaient pas là, où en serait le vélo ? ”.

Pas là où il en est aujourd’hui, c’est pour moi une certitude. Je m’explique.

D’un point de vue strictement “ matériel ”, la bicyclette a -finalement assez peu

évolué en près d’un siècle : trois tubes fins, des roues à rayons et, au -fil du temps, des vitesses de plus en plus nombreuses (70 ans pour passer de deux à dix, ce n’est pas une performance).

Lorsque, fin des années 70 j’atteins l’âge d’aller rouler tout seul (je veux dire,

en dehors du parking de la résidence), mon vélo ressemble finalement à s’y

méprendre à celui qu’avait mon père… Vous avez dit progrès ? Or, c’est exactement à ce moment que, sans le savoir, les Américains révolutionnent

le vélo. Du côté de Marin County, sur les hauteurs de San Francisco, Joe Breeze

et ses copains inventent ce qui se révélera être une formidable machine à booster l’industrie du cycle : le Mountain-Bike, qui allait devenir VTT chez nous.

Dès lors, tout va aller très vite.

Dans le sillage du VTT, le vélo de route hérite de changements de vitesses

intégrés aux leviers de freins et de gros tubes en alu. De son côté, sous l’impulsion d’artisans américains, le VTT se verra doter d’une fourche à suspension avant de devenir tout-suspendu. Depuis, les cuissards de couleur sont autorisés et toutes les équipes ont des vélos coordonnés aux maillots distinctifs. Aujourd’hui, le vélo se veut écologique, urbain, tendance. Encore une fois, l’influence américaine est indéniable. Les fixies que l’on voit se multiplier dans nos centre-villes nous arrivent directement des mégalopoles américaines où ils sont souvent chevauchés par des “ bike-messengers ”, des coursiers à vélo, funambules.

Pas de doute, si l’Amérique n’a pas d’histoire du cyclisme, elle a su se faire une place dans la nôtre…

Épilogue : Quelques jours après ce week-end normand, je quittais mon bureau d’études et sa carrière toute tracée, pour intégrer la rédaction de VTT Magazine.

Une place dans notre histoire.

Stéphane Guitard / Rédacteur en chef - Top Vélo

TRADUCTION

A PLACE IN OUR HISTORY

At the end of March, 1997, then working as a design manager in an engineering office for reinforced concrete, I took advantage of a weekend to go cycling with my father in Normandy. I was feeling a little feeble because a few days before I had had two interviews for a job with the holy of holies VTT Magazine (Mountain bike Magazine) as an editor. Me, the draughtsman ! What a U-turn in my career ! While waiting to find out if this dream would come true (I daren’t believe it then) I read a road cycling magazine over and over again (I love all forms of cycling). On the back cover, I was literally gob-smacked by an advertisement : it announced the arrival of Cannondale in the pro group via the Saeco team and their star member : Mario Cipollini.

It was a smack in the face by America and the road bike I will never forget !

The Saeco CAAD3 had oversized tubes painted in bright red which contrasted sharply with the yellow markings and Spinergy wheels with carbon blades, etc. The Colnago mapei all of a sudden became outdated by ten years !

The memory of those moments makes me think : if the Americans hadn’t been there, where would cycling be today ?

Not where cycling is today, that’s for sure. Let me explain.

From a strictly “material” point of view, the bicycle has not evolved much in nearly a century : three thin tubes, spoked wheels, and over time, more and more gears (70 years to evolve from two to ten gears, that’s no great feat).

When, at the end of the 70s, I became old enough to ride on my own (I mean further than the car park in front of where I lived), my bicycle was very similar to my father’s. Did you say progress ?

Now at that exact moment, the Americans, without knowing it, were revolutionizing the bicycle. In Marin County, overlooking San Francisco, Joe Breeze and his friends invented what turned out to be an amazing booster for the cycling industry : the Mountain Bike (VTT in France). From that moment on, things started to move very quickly.

In the wake of the mountain bike, the road bike inherited gearshifts integrated into the brake levers and thick aluminum tubes.

Spurred on by American craftsmen, the mountain bike was fitted with a suspension fork before the arrival of the full-suspension.

Since then, colored cycling shorts are authorized and all teams have matching colored bicycles and distinctive jerseys.

Today, the bicycle is ecological, urban and fashionable. Once again, the American influence is undeniable. Fixies are increasingly popular in our town centers and come directly from the American megalopolises where they are often ridden by funambulist bike messengers.

There is no doubt, if America has no cycling history ; it has been able to make a place in ours.

Epilogue : A few days after that weekend in Normandy, I left my Design Office and the career which lie straight ahead of me to joint the editorial team at VTT Magazine.

Stéphane Guitard / Editor – Top Vélo

Trouver un magasin

Avec 83 magasins, il y a nécessairement un Culture Vélo près de chez vous :

ou