Il n’y a pas que le Tour dans la vie

L’été est là, le mois de juillet pointe le bout de son nez, la saison route est déjà à moitié effectuée et le Tour de France pointe le bout de son nez…. AAhhhhh le Tour de France, que serait le vélo sans cette magnifique épreuve crée par Henri Desgrange en 1903…Ahhh le Tour c’est le vélo, le Tour c’est la France, le Tour c’est la caravane…mais est-ce vraiment ça le vélo, est-ce vraiment le reflet du monde cycliste professionnel ? Y a-t-il que le Tour de France en France ?

Alors pour creuser un peu tout cela, on a voulu prendre le contre-pied en profitant d’une immersion dans la seule et unique course professionnelle de la région Midi Pyrénées, on parle bien évidemment de la Route d’Occitanie…

La route d’Occitanie, c’est quoi ?

C’est la dernière course pro en France à avoir 100% de son organisation bénévole…Pierre Caubin est aux manettes, de cette épreuve qui existe depuis 1977…

La TV ? Eurosport est au rendez-vous, , le plateau ? les équipes World Tour font le déplacement et à en juger par le palmarès…ils ne viennent pas faire de la figuration. Les étapes ? Les Pyrénées, les cols, les petites routes de l’Aveyron et du Gers…#pasplat

Route d’occitanie : Palmarès depuis 2015

  • 2015 Contador
  • 2016 Quintana
  • 2017 Dillier
  • 2018 Valverde
  • 2019 Valverde

On le voit cette course a quelque chose, une course qui fait se croiser stars du peloton international et petites équipes qui doivent se battre pour exister…#ChocDesCultures.

Alors, Culture Vélo sur un long week-end a voulu en savoir plus sur cette course aux antipodes des strass et des paillettes du Tour de France.

La Route d’Occitanie, Inside by Culture Vélo

Culture Vélo était sur deux étapes, d’abord samedi sur l’étape (Arreau - Hospice de France) comme spectateur sur le bord de la route, pour voir les coureurs gravir ce fameux col de l’Hospice de France…infranchissable sur le Tour (trop petit pour accueillir le dispositif arrivée du Tour) mais avec les 3 derniers km à 11% de moyenne, le spectacle allait être au rendez-vous…et le dimanche sur la dernière étape dans la voiture de course d’Education First, l’équipe de la star colombienne Rigoberto Uran présent sur la course.

On y est, le décor est planté sur cette dernière étape, nous sommes au milieu du Gers. Pour vous situer ,à 1h de Toulouse et cap à l’ouest.

Pour y aller, GPS obligatoire, le départ sur cette dernière étape est annoncé du côté de Clermont-Pouyguillès …petite commune de 160 habitants, petite commune où le téléphone portable ne capte pas bien évidemment !!! Et oui on est à la campagne. Pour les coureurs, c’est aussi un peu différent, par exemple les coureurs INEOS n’ont pas le droit au bus ultra luxueux, non là c’est un camping-car de location. Certaines ont des bus (Arkéa-Samsic, Groupama-FDJ, Education-First, Cofidis) mais certaines n’ont que les voitures ; ici, c’est à l’ancienne, tout le monde se retrouve dans un corps de ferme à l’accès libre, ici pas de badges, pas d’accréditations, non les coureurs sont là, ils sont tous proches, et le public est là…et fin connaisseur, le tout dans une belle ambiance.

La route d’Occitanie...c’est être au cœur de la course

Au-delà des régionaux de l’étape, les coureurs passent et les gens reconnaissent les coureurs bien aidés il faut dire, par la voix illustre de Daniel Mangeas (l’homme aux 40 Tour De France…) qui résonne dans ce doux village gersois.

Ici, le premier constat,…nous sommes loin du stress du Tour de France, les coureurs se parlent, sont en contact avec les fans, les demandes de selfies pleuvent, les coureurs dociles acceptent avec le sourire, repartent, puis acceptent de nouveau. C’est aussi ça la beauté de ce sport, la proximité avec ces forçats de la route.

Ces forçats, qui la veille terminaient faut-il le rappeler, une étape dantesque du côté de Bagnères de Luchon , quasiment 200km, plus de 4.000 mètres de dénivelé, plus la chaleur, bref un chantier pour tout le monde… D’ailleurs en rentrant sur Luchon, on a eu la chance d’accompagner les coureurs dans la descente du col de l’Hospice de France, eux étaient en roues libres, nous un peu moins 80-85-90km/h pour les suivre (il a fallu lâcher les freins pour le coup…)

Une journée à oublier pour certains, pleine de déceptions car oui la présence de stars (Uran, Valverde, Sivakov, Sosa…) change la donne dans ce type d’étape. La dimension est tout autre, ça va vite, très vite devant, pour suivre l’allure c’est tout simplement un autre monde…

Un coureur déboussolé que nous suivons dans cette descente, nous lâche dans une brève discussion « mais tu vois à l’entrainement j’étais bien, j’ai enchaîné avec un stage en altitude là bien encore, et dans le col là je me fais lâché…(silence) j’avais 320 watts, 320 watts mais je me fais lâché quoi…(silence), voilà je m’entraîne et prendre un ticket comme ça… De toute façon, je sais que pour moi c’est du niveau World Tour, mais pour eux pas du tout…Eux, voilà c’est la champions league, moi je suis encore dans la ligue 2 Domino’s pizza… »

Oui c’est ça le vélo, derrière la retransmission de la course à la Télé, derrière les stars, il y a ces coureurs de l’ombre qui font la course, qui s’entraînent, qui ne lâchent rien, mais qui face aux grandes écuries ne peuvent rien faire, trop vite, trop fort…un monde cruel où la défaillance se paye cash.

Le monde des pros...un autre monde

Oui, tant de sacrifices, tant d’effort, pour se retrouver confronter à un mur difficilement franchissable…c’est dur et l’envers du décor il est là…Ce que la télé ne montre pas, on le voit ici, on l’entend aussi sur le bord de la route…("on a combien d’heure de course" ? "5H30", "ah ouais je suis complètement cramé là…) La fatigue là encore est extrême, les coureurs dans cette montée abrupte utilisent des braquets, qui il y a encore quelques années étaient presque des braquets de vtt (Les puristes apprécieront, mais dans le peloton personne n’est en dessous du 30 à l’arrière …c’est dire la difficulté de la pente).

Pour certains, c’est la fin…ils donnent tout sur ces 200 derniers mètres, certains n’en peuvent plus, les visages sont marqués, certains sont en travers de la route. Mais ça y la fin est proche ; l’objectif pour ces coureurs de l’ombre, c’est de finir et d’assumer leur rôle…celui d’équipier…de forçat, de galérien en fait (d’ailleurs devons-nous nous étonner de la traduction anglaise du mot équipier en vélo domestique… voilà on y est tout est dit….BRAVO MESSIEURS pour cet leçon d’abnégation et d’effort.

LE LENDEMAIN ON CHANGE TOUT ou presque

Le lendemain, on change de terrain, on oublie les cols et les forts pourcentages, mais on reste dans le vallonné…#bienvenuedanslegers.

Un parcours casse-patte qui ne va pas faire de bien aux coureurs, c’est un certitude et le thermomètre n’arrangera rien ( 33° à l’ombre). Il est midi et le départ approche au sein de cette commune du fin fond du Gers ( 327 habitants, et pas un seul relais téléphonique…on appelle ça une zone blanche)… Pour les coureurs, il n’y aura pas de drapeau blanc en tout cas. D’entrée ça flingue de partout, les locaux veulent se montrer mais les grosses teams (Groupama-FDJ, Movistar, Ineos) ne veulent pas laisser partir, qui gagnera à ce petit jeu ??

Dans la file des Directeurs Sportifs, on prend place aux côtés de Juan Manuel Garate, vainqueurs d’étapes sur les 3 grands Tours, illustre vainqueur au Mont Ventoux en 2009, plusieurs fois champion d’Espagne. Garate est un personnage connu et reconnu chez les pros. Là Juan Manuel est aux commandes de l’équipe Education First, et le leader Rigoberto Uran est 3ème au général, il ne faut pas se rater. La Route d’Occitanie n’est pas une priorité mais il faut être là

La course n’est clairement pas un objectif pour le Colombien, venu ici pour se tester et faire de l’intensité dans les cols, rien de plus…le critérium pour lui devrait être une formalité, un seul objectif éviter les chutes et être attentif…on ne sait jamais.

Avec nous à l’arrière, Geoff mécano depuis plus de 20 ans, 21 Tour de France dans la besace, il en a vu des coureurs, des boyaux,des montages de cadres, et des innovations… d’ailleurs on lui en parle des innovations.

« Alors les disques Geoff ? Plus de travail pour vous ? » Oui et non, il y a deux ans, je ne vais pas le cacher ce n’était pas évident, c’était tout nouveau, il fallait changer nos méthodes, il a fallu nous adapter, mais depuis les fabricants ont progressé et nous aussi d’ailleurs. Donc, aujourd’hui non ce n’est pas plus compliqué, on doit juste travailler différemment. Je connais des mécanos hostiles, moi je pense qu’il faut évoluer et ce changement-là en vaut la peine. Les coureurs globalement apprécient les disques, par contre ce qu’ils recherchent c’est qu’ils ne veulent pas de différence de comportement au niveau du vélo, entre un freinage classique ou disque. Après moi, ce que je remarque c’est que les marques aussi progressent vite, il y a du progrès dans l’intégration, dans le poids…tout va dans le bon sens, et d’ailleurs on va avoir pour le Tour une petite nouveauté bien sympa…mon avis est simple, les mécanos quand l’électronique est arrivé, c’était pareil au début, oui c’est plus technique mais on doit s’adapter pour faire progresser nos coureurs...demain quoi, on revient aussi aux manettes sur le cadre ?

Par contre, aujourd’hui on a les deux systèmes dans l’équipe et là c’est plus pénible logistiquement parlant surtout en course, car quand il y a une crevaison, chute, je dois d’abord faire le lien entre le coureur et son équipement, et dans la voiture avoir accès à tout immédiatement…ce n’est pas si simple. Si un jour tout le monde a la même système ça sera bien plus simple, il arrive un truc en course et bamm tu sors avec tes roues, là non…encore une fois, tout ça va évoluer, mais il faut du temps.

On retrouve, la course et elle se débride un peu, devant un groupe a pu se faire la malle, derrière ça se calme…c’est la bonne.

C’est à ce moment que Rigoberto Uran se laisse décrocher pour parler un peu avec Juan Manuel Garate, se rappeler les consignes, voir si les jambes vont bien… et visiblement tout va bien pour Rigo, Rigo qui va même nous toucher deux mots (hey, comment ça va ? Bonne journée)

Rigo n’est pas en stress. Rigo a la réputation d’ être un coureur en or, attachant et toujours sympa, son DS le confirme, "avoir quelqu’un comme ça dans une équipe c’est le top, c’est tellement facile de bosser avec lui »

Juan Manuel Garate parle un peu avec ces coureurs et une phrase nous interpelle, « Hey Sean, your shoes is ok ? » « Comment ça, il a un problème sur sa chaussure… ? » « ah oui vendredi il a cassé sa chaussure, elle est complètement fendue, hier il avait l’autre paire mais à l’arrivée il avait mal aux genoux…Du coup là, il a voulu remettre celles qui sont cassés… »

On enchaîne les tours, et ça y est 50km avant l’arrivée, ce n’est plus la même, il faut se concentrer l’arrivée approche et il reste encore du monde dans le peloton, et l’arrivée qui est très très dangereuse stress d’un coup le DS.

A ce moment là, l’échappée est encore devant et la voiture Groupama nous fait signe. C’est Frederic Guesdon ( vainqueur de Paris Roubaix 2017) au volant nous demande « hé les gars, vous faites rouler du monde, nous on a plus que 3 coureurs, il faut rentrer, mais il faut de l’aide, tu peux en mettre au moins 1, sinon ça ne va jamais rentrer, c’est toi qui vois… » Bon chez EF, personne parle Français, il faut donc un peu traduire, mais non EF ne souhaite pas collaborer.

Démarre est le plus fort, l’équipe du leader Valverde doit bosser (Movistar), et Ineos si elle veut gagner doit durcir la course. EF, elle est en stand by pour placer Sacha Modolo et surtout protéger Rigo donc non ça ne collaborera pas avec Groupama…

Route d’Occitanie : la conclusion est toute proche

Dans le dernier tour, ça roule à Mach 12 tout le monde est de travers, l’échappée est à 10 secondes et il reste encore la bosse…là les équipiers donnent tout, et au milieu de la bosse c’est la jonction… le peloton se reforme...enfin ce qu’il en reste

car derrière c’est Terminus tout le monde descend, il ne reste plus qu’une petite trentaine de coureurs pour la gagne. Dans l’oreillette, pas de problèmes pour les coureurs EF, Rigo est là, Sacha se place, et Moreno n’est pas loin non plus…

Le sprint se lance, Démarre est au-dessus, plus puissant, plus fort, il remporte l’étape devant un Sacha Modolo, certes déçu mais là où il devait être. Derrière Uran et Donbrowski assurent leurs classement général…ça y est la route d’Occitanie se termine pour EF….3eme et 7eme, pas mal, une victoire aurait été bien, mais bon Rigo a fait du rythme, Donbrowski a répondu présent, Sacha a fait 2, pas de chutes, donc le week-end se termine pour les coureurs…pour le staff, c’est une autre histoire…

Il faut tout ranger, tout nettoyer, organiser les transferts, deux coureurs doivent repartir sur Toulouse pour un vol le soir même, un demain matin, deux autres vont en voiture vers Gérone en Espagne où il y a le service course d’EF.

Juan lui doit être à 21h, chez lui au pays Basque pour la fête de son village…Bref, tout le monde s’organise pour optimiser son temps. Les mécanos s’afférent pour nettoyer les vélos…

Garate debriefe avec ses coureurs. Bref, tout le monde sait ce qu’il a à faire et à ça va vite.

FIN DE JOURNEE

Voilà, c’est ça la journée d’une équipe World Tour…et autour de nous, c’est encore la fête, les coureurs des autres équipes sont encore là, dans ce champ perdu du Gers…transpirants, certes mais souriants, certains retrouvent la famille, d’autres simplement parlent avec des fans, et les chasseurs de bidons eux s’en donnent encore à cœur joie. Tout le monde est content et ça fait plaisir à voir.

Route d’Occitanie 2019 : Le bilan

Bref, après ces deux jours sur cette route d’Occitanie, on a envie de dire plusieurs choses.

  • Merci les artistes, merci à vous coureurs leaders ou équipiers, vous qui nous donnez ce spectacle, merci de vous rendre aussi accessible, merci pour votre patience et votre bonne humeur permanente, certains autres sportifs devraient venir vous voir et prendre une leçon...
  • Merci à vous le stafff, sans qui les coureurs ne seraient rien, soigneurs, mécano, DS, vous sacrifiez votre vie pour eux ( 270 jours par an en déplacement…), et vous donnez tout pour assurer le spectacle, faire en sorte que tout se passe bien.
  • Et enfin Merci à vous organisateurCAR OUI IL N’Y A PAS QUE LE TOUR DANS LA VIE, le vélo doit garder son âme, cette proximité…mais quel travail, quelle abnégation de l’équipe pour proposer ce spectacle. Mais à notre humble avis, sans vous le Tour n’existerait pas, sans vous le mix entre Top Team et petites Team n’existerait pas, l’éclosion des talents ne pourraient pas se faire…le dernier vainqueur du Giro Carapaz, n’a-t-il pas montré toute sa classe sur les dernières Route d’Occitanie ?

Alors à vous tous, Artistes-Cyclistes-Acrobates, staff, diffuseurs médias, organisateur, #RESPECT.

Respect pour votre travail, ce que vous entretenez, ce que vous produisez et vivement l’année prochaine pour une nouvelle Route d’Occitanie.

credits photo : G.Gesret & A.Lipke

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